30 avril 2021

Couvre-feu : les amapien·nes peinent, les paysan·nes triment et le gouvernement ... nous ignore

Depuis l’instauration du couvre-feu et la limitation de nos déplacements, le modèle AMAP est mis en difficulté. Exit la convivialité lors des distributions. Exit les grands moments collectifs sur les fermes. Comme partout, seuls le travail et les échanges écourtés sont autorisés. Les distributions sont décalées en journée ou pendant le weekend, ce qui complique la vie de tou·te·s les amapien·ne·s qui travaillent, qui s’occupent de leurs enfants ou de leurs proches ou qui, quelle que soit leur raison, sont occupé·e·s en journée. De ce côté on le sait, la lassitude gagne. Mais qu’en est-il du côté des maraîchers, des producteurs et de celles et ceux qui transforment, comme les paysans-boulangers ? Comment sont-ils affectés par le couvre-feu ?

Un impact variable, mais jamais négligeable

Lorsque les fermes sont proches des lieux de distribution, l’impact du couvre-feu sur l’organisation du travail est moins fort. Les paysan·ne·s partent un peu plus tôt des champs pour pouvoir assurer les distributions avant le couvre-feu. Certains proposent de doubler les volumes des paniers, pour limiter la contrainte des horaires avancés. Si la distribution, avancée de quelques heures, se déroule sur la ferme, la ou le maraîcher·e doit terminer plus rapidement que prévu ses taches, pour pouvoir accueillir les amapien·ne·s dans de bonnes conditions. Ce qui génère davantage de stress. Même quand la distribution est proche de la ferme, les paysan·ne·s doivent accélérer la cadence, alors qu’en temps normal le rythme de travail est déjà de 55h par semaine en moyenne.

Lorsque qu’il y a une grande distance à parcourir entre les champs et le lieu de distribution, la réorganisation se complique. C’est typiquement le cas d’un maraîcher dont les champs se trouvent dans le sud de la seine et marne, qui distribue dans Paris et en petite couronne. Ceux-là, et ils sont nombreux, doivent partir très tôt de leur champ (14h en semaine, parfois 13h) pour assurer leur distribution à 17h voire plus tôt. Soit à minima 3h de travail en moins sur les champs pour chaque distribution. Le retour peut être long si le trafic est dense. Ces heures de travail remises à plus tard sont pourtant incompressibles. Comment les paysan·ne·s s’adaptent ? Certains nous racontent qu’ils sautent des repas, pour pouvoir récolter le matin même les légumes frais et sauter dans leur camion pour pouvoir assurer leur distribution. D’autres travaillent davantage les autres soirs de la semaine pour compenser l’horaire avancé. Plusieurs paysan·ne·s témoignent du stress que cela génère. L’inquiétude d’arriver en retard et de dépasser le couvre-feu, de se retrouver coincé dans les bouchons, existe aussi. D’autres travaillent pendant le week-end pour compenser les heures perdues par le couvre-feu. On se demande dans quel état de fatigue ils seront à la fin de l’été, alors que le retour au calme ne reviendra qu’avec l’automne ?

Les maraîchers qui ont décidé de décaler leurs distribution le week-end sentent bien aussi que cette réadaptation entraîne de la lassitude chez certain·e·s amapien·ne·s, en plus de l’accroissement de leur propre fatigue …

Et notre plaidoyer dans tout ça ? Quels résultats ?

En plus des interpellations au niveau préfectoral et autres actions régionales pour lesquelles nous vous avons tenu·es informé·es au fil de l'eau, nous avons également agi à l'échelle nationale, conjointement avec les autres réseaux d'AMAP. Ainsi, 3 courriers ont été adressés au Ministre de l'Agriculture :

  • en janvier, signé par le MIRAMAP
  • fin février, co-signé par le MIRAMAP et la Confédération Paysanne
  • en avril, courrier transpartisan co-signé par 20 parlementaires

Nous avons également rédigé 2 communiqués de presse et avons interpellé les député·e·s qui ont été nombreux à déposer des questions écrites au gouvernement. A cette occasion nous avons été interviewés par Radio Sensations pour exposer les problématiques des amapiens et des paysans. Où sont passés les autres médias, ceux qui nous appelaient quotidiennement en mars dernier pour relater la "success story" des circuits-courts en période de crise ?

Isabelle Thiers, éleveuse en AMAP et administratrice du Réseau, sur Radio Sensations

Toutes nos actions avaient pour but l'autorisation des amapien·nes à cocher une case dans l'autorisation de sortie dérogatoire, pour pouvoir se rendre à la distribution en dehors des horaires de couvre-feu, démarche largement justifiée par notre soutien à l'agriculture paysanne. Et pourtant, souvenez-vous, en mars dernier, le Ministre de Normandie nous considérait comme essentielles, nous les AMAP, lorsqu'il avait été interpellé, à notre demande, par le député France Insoumise Loïc Prud'homme (vous pouvez visionner la séquence ici - Cliquez à droite sur "Loïc Prudhomme puis sur la réponse du Ministre). Malgré tout mais sans surprise, nous n'avons obtenu à ce jour aucune réponse. 

Ce que les AMAP subissent, s’inscrit évidemment dans le ralentissement général de nos liens sociaux. Nous ne faisons pas exception. La question à laquelle les AMAP doivent répondre c’est comment reprendre le chemin d’une vie collective ? En dépit du virus. Comment maintenir les liens, construire du sens et continuer à faire ce que nous faisons de mieux : Partager. Car, si notre psyché, nos imaginaires sont affectés par le réordonnancement de notre vie sociale, il faut aussi observer ce qu’il se passe du côté du partage et de la solidarité, car c’est notre lieu à nous. Notre raison d’être.

Par Ariane, salariée du Réseau AMAP IdF

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