15 mars 2018
"La première fois que j'ai rencontré Laurent, je l'ai reconnu comme celui qui parlait, très vite et très bien, de l'autonomie alimentaire de la région parisienne dans le film de Coline Serreau « Solutions locales pour un désordre global » (2010). C'est donc un peu une célébrité et ce portrait est un hommage à une des grandes figures du Réseau AMAP Ile-de-France.
2001 : Son BTS Agricole en poche, Laurent décide qu'il a besoin de pratique, et de faire pousser des plantes. Il travaille chez Arvalis et fait des tests sur les pulvérisateurs de pesticides, il est au contact du monde agricole, mais il veut être au jardin. Un jour, un ancien camarade de classe, Jérôme lui propose de s'associer avec lui pour cultiver 2 hectares en maraîchage sur la ferme de son père, qui est céréalier conventionnel et porte-parole de la Confédération Paysanne Ile-de-France. Après réflexions, discussions, Laurent se dit « pourquoi pas » et se lance, d'abord à mi-temps.
La première année de test, Jérôme et lui sortent 15000 euros de légumes cultivés « avec une pelle et un râteau », qu'ils écoulent dans le magasin de la ferme, tenu par la mère de Jérôme, et qui au départ vendait du vin. Le père de Jérôme leur achète un tracteur, Freddy Letissier maraîcher en AMAP, leur donne des plants, ils squattent les serres de l'oncle de Jérôme qui était horticulteur et qui est en liquidation judiciaire, bref ils se débrouillent. Pendant quatre ans, Laurent vit « comme un clandestin » sur la ferme, sans statut fixe : il n'est ni salarié ni associé, il ne se paye pas, continue de travailler à côté, et tout l'argent de la vente des légumes est réinvesti en matériel.
2004 : Laurent crée son entreprise individuelle à côté de l’EARL et ils décident de tout partager : les investissements, le travail, les récoltes. Les légumes sont toujours écoulés dans la boutique, la demande devient forte, mais pas encore de quoi salarier qui que ce soit.
Laurent commence à réfléchir à un autre système de commercialisation. Et c'est une conférence de Daniel Vuillon qui le convainc de tester le système AMAP, déjà chaudement recommandé par Freddy. A l'époque, le Réseau a un tableur excel qui répertorie les quelques 50 groupes de la région parisienne à la recherche de paysans, il cherche celui qui est le plus accessible par la Nationale 20. Ce sera Vanves. Le groupe est déjà constitué, il s'appelle le Panier Vanvéen : cinquante personnes environ, ultra motivées, et qui ont envie de s'engager avec un petit jeune qui s'installe.
De son côté Jérôme se met à vendre à la ferme, en plus de ses légumes, des produits de ses voisins (lentilles, jus de pommes) et parvient à dégager un salaire. Ils décident donc de tout partager en deux : une moitié de la récolte est destinée au magasin et l'autre à l'AMAP. Laurent démarre par un test de 6 mois, de juin à décembre, puis rempile pour 3 mois jusqu'en mars, et recommence en juin. Au bout de deux ans, il est capable d'anticiper un prix de production et discute avec le groupe de sa rémunération.
Le groupe lui propose 2000 euros, il accepte avec enthousiasme et lâche son boulot du week-end. Après trois ans de distribution dans une église, le groupe a dégotté un local dans le marché couvert, qu'il partage avec les deux autres AMAP de Vanves, dont une a été créé par une couvée de Laurent, Sophie Van de Velde. Le groupe de Laurent est aujourd'hui à 90 paniers, 145 familles séparées en deux groupes qui alternent une semaine sur deux, avec des contrats pain, fruits, fromage et champignons. Le magasin de Jérôme est devenu membre d'un réseau de groupement d’achat, il y vend de l'épicerie et des produits de Rungis, et salarie 4 personnes : 2 au jardin, 2 au magasin.
2012 : Le projet de reconversion des pistes de Brétigny (91) est en discussion, Terre de Liens et le GAB font partie du Comité Technique et font des propositions. Il s'agit de 70 hectares, à convertir en ferme polyculture élevage et maraîchage. Quand l'agglomération Coeur d'Essonne entre en discussion avec Fermes d'Avenir, après l'abandon du projet proposé par la Chambre d'Agriculture, elle met en avant le travail déjà mené par Abiosol, et Laurent est sur les rangs.
L'idée est belle : sur les 70 hectares, 12 seront consacrés au maraîchage avec 6 ou 8 paysans, 10 aux céréales avec deux paysans boulangers, 1 hectare de verger, 250 poules, et 20 vaches, qui pourront paître et ruminer le fourrage cultivé sur le reste du terrain. Un modèle complet, résilient et rentable, qui peut favoriser la polyvalence chez les paysans. La structure idéale serait celle de la coopérative, qui permet de salarier les paysans, qui possèdent simplement une part sociale mais pas le patrimoine, et permet de construire un modèle de grande ferme diversifiée, reproductible et transmissible. En effet, quand l'Agglomération récupère les bâtiments et les terres, une fois les emprunts remboursés, elle peut les transmettre à de nouveaux paysans.
Si tout va bien les premières patates et courges seront plantées d’ici peu pour tester le terrain, et l'installation définitive est prévue pour fin 2020. Aujourd'hui, aux côtés de Laurent, prêts à s'embarquer, sa compagne Laure, qui prévoit de faire du pain, un voisin, Eric Châtelet (aussi administrateur du Réseau), et deux couvés, Adrien et Anaïs, qui feront principalement du maraîchage. On peut voter sur Facebook pour baptiser ce beau projet. Le favori de Laurent : « Ferme de l'envol ».
Accrochez vos ceintures, ce n'est que le début.
Lors de la dernière AG du Réseau, le 3 mars dernier, Laurent a décidé de ne pas renouveler son mandat au sein du collectif. Objectifs : se concentrer sur sa future installation, laisser sa place aux jeunes, et s'investir au sein du Groupement des Agriculteurs Bio d'IdF, qui l'a élu président à l'AG du 8 mars !
Voici l'hommage que lui a rendu Florent, membre du Collectif, lors de l'AG, sous les applaudissements :
"Nous souhaitons nous adresser à la jeune génération : sachez que le réseau accompagne les futurs maraîchers. Il y a justement dans la salle un petit jeune qui débute et qui va bientôt s'installer, Laurent Marbot.
Nous souhaitons lui rappeler une série d'outils à sa disposition (qu'il a fortement contribuer à créer):
Tous ces outils tu les as mis en place pour les autres et ils pourraient te servir en tant que petit jeune.
Nous regretterons tes conseils techniques tous plus pertinents les uns que les autres, ta bonne humeur, tes petites incohérences si touchantes, tes "connards" affectueux, tes propos visionnaires, ta générosité.
Nous savons que rien n'est fini, que tout commence, que nous serons toujours ensemble. Bonne route Laurent...
Et surtout si tu as une question technique ou autre, n'hésite pas à solliciter le Réseau AMAP Ile de France, nous serons là. Nous te le devons bien!!"
Par Maud, membre du Collectif du Réseau AMAP IdF
Réseau AMAP Ile-de-France - 47 avenue Pasteur 93 100 Montreuil
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